Le projet Boucle d’or et les 33 variations a remporté le premier prix international A.R.T.S. lancé en 2009 par l’Atelier Arts Sciences.
Avec cet appel à projets, l’Atelier ouvre ses portes à de nouveaux artistes et à de nouveaux scientifiques mais surtout, propose aux équipes de se présenter déjà constituées autour d’un projet de recherche.
Face à une grande diversité de projets technologiques, c’est la poésie qui a gagné le cœur du jury en sélectionnant une recherche sur le film de savon. Ce projet hors des domaines de recherche du CEA-Leti Grenoble témoigne de la volonté d’une très grande ouverture de la part des scientifiques. L’Atelier Arts Sciences est un outil exploratoire des relations entre artistes et scientifiques et le prix A.R.T.S. permet de sonder cette relation autrement en accueillant des recherches venues d’autres pays comme d’autres secteurs de recherche.
Les lauréats Olivier Vallet artiste/scénographe, spécialiste du théâtre d’objets et Patrice Ballet de l’UJF/CNRS avec le soutien d’autres chercheurs français lancent donc une expérience autour du film de savon.

LE PROJET

Boucle d’or et les trente-trois variations
Historique du projet par Olivier Vallet, fondateur de la compagnie Les Rémouleurs

" Depuis des années, cette histoire me trottait dans la tête, pour son sens d’abord : une petite fille, dont on ne sait rien, sans parents identifiés, pas d’âge, de métier ni de domicile connu, pas de nom, à peine un surnom, qui arrive de nulle part et repart vers l’inconnu, sans avoir rien fait d’autre qu’essayer sans succès de trouver sa place, voilà une histoire singulière. Et qui parle bien de notre monde dans lequel sont de plus en plus nombreux ceux qui comme elle tentent maladroitement de trouver leur place..."

Mais je ne savais qu’en faire, gêné justement par la multiplicité des points de vue possible sur cette aventure énigmatique, jusqu’à ce que vienne l’idée de travailler justement sur la variation des modes de représentation, des styles de jeu et des techniques, en commandant le texte à un membre de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), Jacques Jouet.
Etant de mon premier métier marionnettiste et montreur d’ombres, j’ai d’abord pensé à de l’image manipulée à vue, en utilisant différentes techniques (ombre, catoptrique, lanterne magique), mais j’avais depuis longtemps envie de travailler sur le support de l’image et non plus uniquement sur la technique de projection.
La commande par Véronique Bellegarde de la réalisation d’un système de projection d’images sur écran de brouillard, pour son spectacle l’Instrument à pression m’avait donné l’occasion de m’intéresser à la mécanique des fluides.
Après l’avoir réalisé, j’ai lu l’ouvrage d’Etienne Guyon Ce que disent les fluides (Belin - Pour la science). Sa photo d’un film de savon m’a fasciné, et convaincu de l’intérêt plastique et théâtral qu’offrirait un tel dispositif sur scène, je me mis en quête d’en réaliser un. Le résultat fut à la hauteur de mon incompétence dans ce domaine, et je demandais conseils à Etienne Guyon, ainsi qu’à Sylvain Lefavrais, du Palais de la découverte, où j’avais entendu dire qu’un film de savon de 18m de haut avait été réalisé il y a quelques années.

Quelques temps plus tard, je recevais deux mails le même jour, qui tous deux m’indiquaient François Graner comme la personne la plus à même de me conseiller. Grâce à ses précieuses indications, je me remis au travail, les résultats arrivèrent enfin, et avec eux l’émerveillement devant ce film fin, souple et mouvant, sans cesse traversé d’irisations. Un premier prototype mis au point dans l’atelier des Rémouleurs, qui comportait malgré son côté bricolé de petites améliorations, dues à mon expérience de marionnettiste (multiplication des points d’alimentation en liquide, et donc possibilité d’obtenir des films plus larges et plus stables), a convaincu François Graner du sérieux de ma volonté d’avancer.
Je sais ce que je veux obtenir : un film de savon stable, le plus large possible, qui puisse être utilisé en conditions scéniques, et teinté à volonté pour le rendre opaque. On a pourra ainsi par moments jouer de la transparence et des irisations d’une voile fluide et mobile, et à d’autres avoir un écran déformable d’un simple souffle, qu’une main humide peut traverser sans le faire éclater, et qu’on peut faire disparaître instantanément en le perçant.
Pour réaliser cela c’est là que la présence de scientifiques, apportant leur savoir, leur technique, et leur méthodologie est indispensable.
C’est sur un projet comme celui-ci que la collaboration artiste/scientifique peut donner son meilleur. Au-delà de ce spectacle, il y a le fait que le dispositif du cinématographe mis au point en 1895 (une image projetée perpendiculairement à l’écran, sur un support lisse, blanc, opaque et immobile, depuis une source située derrière le public et cachée à sa vue) montre des signes d’épuisement. Si l’industrie du cinéma travaille d’arrache-pied à des systèmes de 3 D basés sur le numérique, le spectacle vivant peut lui aussi ouvrir de nouvelles pistes et rechercher des systèmes plus poétiques."

Olivier Vallet


LA RÉSIDENCE DE RECHERCHE

Boucle d’or et les trente-trois variations est une production Les Rémouleurs, compagnie en résidence à Saint-Fargeau-Ponthierry et à l’Atelier Arts Sciences (CEA-Grenoble et l’Hexagone Scène Nationale Arts Sciences - Meylan).

La résidence à l’Atelier Arts Sciences se matérialisera par l’organisation de temps de travail à Grenoble dans les locaux de l’Atelier, au sein des laboratoires du CEA ou à l’Hexagone auquel sera associé plusieurs chercheurs du CEA-Grenoble.
Ces travaux collectifs de recherches seront accompagnés par l’équipe de l’Atelier Arts-Sciences tout au long de l’année 2010.
Chaque résidence se construit et SE déroule différemment, elle s’adapte au contenu artistique et scientifique de chaque projet.
Un suivi épistémologique a été mis en place. L’évolution et les résultats de ces travaux ont été restitués dans un numéro des Cahiers de l’atelier publié à la fin de la résidence.

Le spectacle issu de cette résidence a été accueilli à l’Hexagone Scène Nationale Arts Sciences - Meylan à l’automne 2010.


LE FILM DE SAVON

Par « film de savon », nous désignons l’objet créé par un liquide (eau et produit tensioactif) s’écoulant librement entre plusieurs fils (il ne s’agit pas d’une bulle). Ces fils peuvent être manipulés pour changer l’emplacement et la forme de l’écran, le film lui-même pouvant être déformé par le souffle. Par ailleurs, le liquide peut être rendu opaque par l’adjonction de teintures en phase aqueuse, si l’on désire cesser d’utiliser le film comme un miroir souple et mouvant pour le transformer en un écran malléable.

Partant des résultats décrits dans l’annexe Giant soap curtains for public presentations de François Graner et Patrice Ballet, (European Journal of Physics, 2006), et avec leur concours, nous voulons arriver à une forme scénique exploitable en tournée et originale. Pour ce faire, nous comptons effectuer un travail en commun, dans lequel il n’y aurait pas un artiste prescripteur et un scientifique/technicien qui exécuterait au mieux, mais une collaboration dans laquelle chacun pourrait être force de proposition. Après tout, notre métier de marionnettiste étant fondamentalement une manipulation de la matière en vue de faire naître l’émotion, on peut le considérer comme une forme naïve, primitive et empirique de faire de la physique...

 

 

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